« Le plus beau cadeau que mes amis de Hexianju (0) m’aient offert est un poème¹ en huit vers, comportant chacun quatre caractères. … J’en propose ici une traduction personnelle, pas nécessairement littérale, mais qui n’est pas infidèle à son sens profond. »
Ding tian, li di
Xing song, yi chong
Wai jing, nei jing
Xin cheng, mao gong
Yi nian bu qi
Shen zhu tai kong
Shen yi zhao ti
Zhou shen rong rong
&
« Tête au ciel, pieds à la terre
Corps détendu, la conscience se dilate
A l’extérieur, l’abandon ; à l’intérieur, la paix
Le cœur comme un lac d’eau limpide ; attitude humble
Pas une pensée ne venant le traverser
L’esprit s’identifie au vide infini du ciel²
Quand l’attention revient à l’intérieur
Tout est bon, tout est bien, tout est à l’harmonie du qi. »
« A hauteur des nuages – Chroniques de ma montagne taoïste », page 108
Bernard Besret
&
Voici ce texte du Docteur Pang He Ming, le créateur du Zhineng Qi Gong, assorti d’une traduction en langue anglaise, plus ramassée :
顶天立地 din tian li di
Head in the sky, feet in the earth
形松意充 xing song yi chong
Body relaxed, mind expands out
外敬内静 wai jing nei jing
Be respectful, quiet inside
心澄貌恭 xin cheng mao gong
The mind clear, appearance humble
一念不起 yi nian bu qi
Mind still
神注太空 shen zhu tai kong
The mind expands out to the vast void³
神意照体 shen yi zhao ti
Illuminate deep inside
周身融融 zhou shen rong rong
The whole body harmonised with qi
&
Écouter ce texte constitue déjà une fort belle expérience :
Y compris dans une version plus sobre & pédagogique :
Mais vous aurez sans doute compris qu’il importe de le psalmodier soi-même et d’en nourrir sa pratique : comme la Vision du Soi (et tout ce qui compte vraiment), le Zhi Neng Qi Gong n’est pas un art de spectateur !
Cordialement
0 – Il s’agit d’un centre de Qi Gong situé sur l’île de Hainan où Bernard Besret a pratiqué le Zhi Neng Qi Gong, comme il le relate dans son livre au chapitre « Chroniques du Qi Gong ».
« Je suis rentré de Hexianju en me disant que j’avais enfin trouvé le monastère sans religion dont je rêvais depuis que j’avais quitté Boquen. Dès mes premières années à l’abbaye, j’avais en effet été convaincu que la vie monastique n’est pas un phénomène de nature vraiment religieuse. …
Il y a donc une vie monastique, en général, qui s’adapte à la religion que pratique ses adeptes, en particulier. En tant que telle, la vie monastique ne s’identifie à aucune d’entre elles. Le mode de vie qu’elle propose tend à atteindre la plénitude de la vie humaine, par la mise en œuvre d’un art de vivre qui va à l’essentiel, qui permet d’atteindre l’éveil et de profiter en toute conscience de chaque instant de la vie. »
Cette dernière phrase s’applique mot pour mot à la Vision du Soi selon Douglas Harding. Mais … n’en croyez pas un traître mot, essayez, vérifiez !
Cette phrase justifiait ma proposition « Actualité des Valeurs Monastiques », d’ailleurs placée sous le patronage (!) de Bernard Besret. Si ce « stage » est désormais caduc, les propositions suivantes : « … plénitude de la vie humaine, … art de vivre qui va à l’essentiel, … atteindre l’éveil … profiter en toute conscience de chaque instant … » sont peut-être encore susceptibles de vous intéresser. Je me permets – humblement – de vous conseiller de commencer par la Vision du Soi, et de faire ensuite … ce que vous voudrez ! Essayez, vérifiez !
¹ – Plus que d’un « poème » au sens habituel, il s’agit peut-être plus d’une Parole efficace, d’un « logos », d’un sutra & mantra qui fait partie intégrante de la pratique du Zhi Neng Qi Gong. Le réciter & psalmodier en toute conscience dans l’intention de « créer » le champ de Qi, c’est réellement vivre les fondamentaux de cette méthode.
Il me semble que cela rejoint une assez vieille histoire que, globalement, nous avons presque totalement oubliée :
« Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu.
Elle était au commencement avec Dieu.
Toutes choses ont été faites par elle ; et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans elle.
En elle était la vie et la vie était la lumière des hommes.
Et la lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue. »
[Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος, καὶ ὁ λόγος ἦν πρὸς τὸν θεόν, καὶ θεὸς ἦν ὁ λόγος. Οὗτος ἦν ἐν ἀρχῇ πρὸς τὸν θεόν. Πάντα δι’ αὐτοῦ ἐγένετο, καὶ χωρὶς αὐτοῦ ἐγένετο οὐδὲ ἓν ὃ γέγονεν. Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων, καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.]
Évangile de Jean 1, 1-5
Si le mot « Dieu » vous gène aux entournures, remplacez-le donc par « Conscience & Énergie », par « Mystère », par « espace d’accueil illimité et inconditionnel », par « Contenant ultime », par « Tao », par … Rien & Tout, par « ? », par … rien ! Ce qui importe c’est l’expérience, pas les misérables mots que nous essayons laborieusement de coller dessus afin de nous rassurer.
NB : j’ai laissé les virgules présentes dans la première partie de la transcription pinyin reprise par Bernard Besret. Elles disparaissent assez logiquement de la deuxième version … dans laquelle manque un idéogramme.
² – Ignorant tout de la langue chinoise, il m’est impossible de vous dire si « L’esprit s’identifie au vide infini du ciel » constitue une bonne traduction. Dans le cadre de référence que j’ai choisi de retenir, l’anthropologie tripartite « Corps & Âme – Esprit », il me semblerait préférable d’écrire : l’âme, c’est-à-dire la totalité du mental, conscient et inconscient, s’identifie « au vide infini du ciel ». En suivant cette intention & direction de travail (« Gong »), la personne qui l’effectue se rapproche de sa vraie nature, de cette véritable identité dont un des noms dans la tradition occidentale est, justement, Esprit.
Cf. aussi : « 100 mots pour comprendre les chinois » – Cyrille J.-D. Javary
³ – La traduction anglaise proposée, « The mind expands out to the vast void », me semble présenter l’avantage de remplacer la notion d’identification, sans doute trop conceptuelle, par celle, plus immédiatement physique & énergétique, d’expansion. Mais le langage bute – une fois de plus ! – avec cet « out to ». Seule la pratique peut permettre de réaliser, de faire l’expérience précise d’une expansion totale, extérieure & intérieure à la fois.
Cela rejoint bien sûr ce qui est proposé par le geste ci-dessous, qui constitue un excellent résumé de la Vision du Soi. N’hésitez surtout pas à le faire – encore et encore … – pour constater par vous-même l’asymétrie absolue entre l’espace d’accueil illimité et inconditionnel au centre et toutes les choses en périphérie – corps et mental y compris – et, en même temps, la non-dualité parfaite entre … le vide et les formes.
C’est l’éternelle leçon du Sutra du Cœur, mais vécue concrètement, simplement, joyeusement. Essayez, vérifiez !
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Je colle également ci-dessous une version d’Harmonious Big Family, découverte plus récemment. Les traductions me semble un peu moins élaborées que ci-dessus …
顶天立地 – Ding Tian Li Di
The head touches the sky, feet stand on earth
La tête dans le ciel, les pieds dans la terre
形松意充 – Xing Song Yi Chong
The body relaxes and mind expands
Le corps détendu, l’esprit prend de l’expansion
外静内静 – Wai Jing Nei Jing
Be respectful and quiet
Honorer l’intérieur, quiétude à l’extérieur
心诚貌恭 – Xin Cheng Mao Gong
The mind is clear and appearance is humble
Le cœur transparent, attitude respectueuse
一念不起 – Yi Nian Bu Qi
No distracting thoughts
L’esprit est calme, tranquille
神注太空 – Shen Zhu Tai Kong
The mind expands to infinite space
La conscience se verse dans le cosmos, fusionne avec l’univers
神意照体 – Shen Yi Zhao Ti
Feel the mind shining into the body deeply inwardly
La conscience illumine le corps
周身融融 – Zhou Shen Rong Rong
The entire body is harmonised with qi
Le corps tout entier s’harmonise avec le qi
2 réponses sur « Tête au ciel, pieds à la terre – Bernard Besret »
MERCI Jean Marc pour ce magnifique poème. A réciter peut etre lors de notre méditation!
Merci Chantal pour ce commentaire ; j’espère de tout cœur que c’est le 1° d’une longue série. Mais … nous n’allons pas mélanger les (bonnes) choses. Les pratiquants du Qi Gong vont continuer de fusionner ce texte avec leurs enchaînements … libérateurs ! Et dans le cadre de notre méditation dans l’esprit du zen nous allons persévérer à cultiver le silence.
Cependant ton intuition est bonne : le texte colle parfaitement avec notre pratique. Rien d’étonnant : avant de devenir « zen » au Japon, elle a été « tch’an » pendant plusieurs siècles en Chine, et ses rapports avec ce que nous appelons aujourd’hui le Qi Gong sont nombreux.
Bonne pratique, à bientôt. Amitiés
Jean-Marc