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6 - Lectures essentielles

Puiser des forces infinies dans un petit espace – Christian Bobin

Puiser des forces infinies dans un petit espace – Christian Bobin

(Quelques extraits & liens)

Invité sur France Inter dans plusieurs émissions, l’écrivain Christian Bobin nous délivre quelques clefs afin que nous puissions supporter notre confinement (0) :

« Résister, c’est respirer, c’est prendre appui sur ce qui existe vraiment, et ne pas donner la moindre chance au nihilisme partout régnant. »

Pour l’écrivain,

« ce qui existe vraiment, c’est la bonté, la lenteur, l’attention – des choses qui ne sont pas marchandes, qui sont vitales pour chacun et qui continuent d’être diffusées par des gens qui n’ont pas de visage, que l’on ne connaît pas forcément, qui sont ici ou là et qui sont les vrais piliers du Monde ».¹

Au 17e siècle déjà, Blaise Pascal, le savant et moraliste, constatait que :

« Tout le malheur des hommes vient de ce qu’ils ne savent pas demeurer seuls dans une chambre. »

Pour Christian Bobin, l’exercice ne recèle aucune difficulté, puisqu’en tant qu’écrivain, la solitude est son élément. Grand lecteur depuis l’enfance, à 20 ans, lorsqu’il comprend « qu’il n’est pas capable de vivre dans le grand jour du monde »², il continue de laisser les livres le traverser, puis commence à écrire.

Christian Bobin est toujours resté au pays qui l’a vu naître, et la rue de son enfance garde une importance essentielle car, assure-t-il, c’est là que tout commence :

« Cinq à dix mètres carrés me suffisaient amplement pour la contemplation, pour le jeu, pour l’émerveillement. Et c’est de ce petit espace que j’ai puisé des forces infinies, des réserves de regard et d’étonnement et de songe et d’attente. C’est l’origine de tout, y compris les livres d’aujourd’hui. Tout vient de là, tout s’est préparé là. »³

Écrivain de l’Âme (4). Christian Bobin est l’écrivain de l’introspection, avec peu de récits constitués, mais bien plutôt des fragments. Il parle lui-même de « tricotage » de textes ! Ses livres ouvrent sur une intériorité apaisée, comme après une tempête.

Le poète fait l’éloge du presque rien :  » Nous n’avons que ça, la vie la plus pauvre, la plus ordinaire, la plus banale », mais en revanche, « de temps en temps, nous revêtons un manteau de puissance, un manteau d’aisance » et il semble bon, pendant un temps, « d’apprendre à faire un pas en arrière, quitter ses sources, ses projets, ses ambitions – ils vous retrouveront – les quitter momentanément, et devenir pur regard« .(5)

« Écrire, c’est parler à l’intérieur du silence, sans froisser le silence. »

L’auteur se définit aussi comme un lecteur assidu, et attend des livres qu’ils lui apportent la paix, qu’ils lui offrent la rencontre avec l’humain, qu’ils agissent comme un miroir et lui renvoient son image, tellement mouvante.(6)

« Vous ouvrez un livre et il vous entend. »

« La magie de la lecture consiste parfois en cette force incroyable de l’amour pur, lancé au devant de vous, une phrase qui vagabonde dans un livre et qui n’attendait que le lecteur pour s’illuminer ».

« La Poésie n’est pas un genre littéraire, car elle est la plus haute vie, voire peut-être la seule ».

Invité de La Grande Librairie, le poète révèle son insoumission originelle et sa quête poétique. Voici un extrait d’une dizaine de minutes qui vous donnera un aperçu de sa belle présence.

« La vie est la maîtresse, elle a ses heures, j’essaie juste d’être au rendez-vous. »

Écouter : Christian Bobin dans Le Grand Entretien de François Busnel.

Écouter : Christian Bobin et la « bienveillance des arbres » dans Le Matin du Départ de Dorothée Barba.

Écouter : Bobin : « La Russie est mon pays natal, je n’y suis jamais allé » dans Le Matin du Départ de Dorothée Barba.

Écouter : Juliette Binoche, Christian Bobin, Véronique Tadjo dans La Librairie francophone d’Emmanuel Khérad. (de 22′ à 35′)

Écouter : Enchantements, Christian Bobin dans L’Heure Bleue de Laure Adler.

Écouter : Christian Bobin dans l’âme dans Boomerang d’Augustin Trapenard. L’écrivain a choisi de nous lire un extrait du journal de Rosa Luxembourg, bouleversant.

&

Lire : Pierre, Ce livre est une méditation sur « la présence et l’excès du réel » dans l’œuvre du peintre de l’Outrenoir, Pierre Soulages.

Lire : Cahier Christian Bobin aux éditions de L’Herne, dans lequel écrivains, philosophes, universitaires, compositeurs, journalistes ou lecteurs, dénouent les idées reçues sur l’œuvre de ce penseur libre.

Lire : Toutes les œuvres de Christian Bobin réunies dans une bibliographie sur la page du site Babelio.

Se plonger dans son œuvre peut devenir une véritable addiction, et nombreux sont ceux qui guettent chez leur libraire, le prochain opus de ce poète !

Cordialement

 

0 – Un « confinement » est passé, mais il y en aura d’autre vu que « la fabrique des pandémies » recommence à tourner à plein régime. C’est sans doute à cela que sert véritablement le vaccin : permettre que tout recommence comme avant, un retour à l’anormal ! Et même sans cela, même sans cette « opportunité » particulière, la plupart d’entre nous reste « confinée » dans la zone périphérique « je suis humain » du dessin ci-dessous, sans « prendre appui sur ce qui existe vraiment » et qui est infiniment plus vaste, plus spacieux : le « Je Suis » central, le « Rien » qui explose instantanément aux dimensions du « Tout ».

¹ – Est-ce que les « gens qui n’ont pas de visageet qui sont les vrais piliers du Monde » ne seraient pas plutôt ceux qui suite à cette « Vision » se découvrent tels que Douglas Harding se dessine ci-dessous ? Et qui ont ensuite l’humilité & intelligence de valoriser cette découverte …

² – Il n’est pas inutile de coller ici ce que C. Bobin a écrit à propos du « monde » dans l’avant-dernier chapitre du « Très-Bas » :

« Le monde veut le sommeil. Le monde n’est que sommeil. Le monde veut la répétition ensommeillée du monde. Mais l’amour veut l’éveil. L’amour est l’éveil chaque fois réinventé, chaque fois une première fois. Le monde n’imagine pas d’autre fin que la mort, cette extase du sommeil, et il considère tout à partir de cette fin. … L’enfant va à l’adulte et l’adulte va à sa mort. Voilà la thèse du monde. Voilà sa pensée misérable du vivant : une lueur qui tremble en son aurore et ne sait plus que décliner. C’est cette thèse qu’il te faut renverser. »

Ce que Bobin appelle le « monde » nous dépossède et de notre vie véritable – cette Grande Vie qui est notre droit de naissance et LA possibilité d’accomplissement qui nous est offerte – et de cet « éveil » qu’est la « mort » à une vision totalement fausse, réductrice, étriquée, … de nous-même. La Vision du Soi selon Douglas Harding constitue un outil particulièrement puissant pour « renverser la thèse du monde ». N’en croyez pas un traître mot, essayez, vérifiez … !

³ – C’est cette expression « petit espace » qui m’a décidé à écrire un billet à partir de cette page wouèbe de France Inter. Et bien entendu, en dépit de mon respect pour C. Bobin et de mon amour de son œuvre, je la conteste … totalement !

Cet espace de « contemplation, … jeu, … émerveillement », loin d’être réduit à ces « cinq à dix mètres carrés » est en réalité illimité, « l’immensité intérieure » même, « un océan sans limites », la « joie spacieuse », le « Visage Originel » du zen, … C’est le plus précieux privilège de l’enfance que si peu d’adultes savent retrouver. Et pourtant … existe-il un autre projet digne d’un être humain que de prendre conscience de cet espace, puis d’y demeurer le plus consciemment et le plus constamment possibles ? Cet espace que nous sommes, tous, notre « autoportrait ».

La « leçon » de « la vraie grandeur » est pourtant ancienne et bien connue :

« Qui est donc le plus grand au royaume des ciels ? »

Iéshoua‘ appelle un petit enfant. Il le met au milieu d’eux et dit: « Amén, je vous dis : si vous ne retournez pas et ne devenez pas comme des petits enfants, vous n’entrerez pas au royaume des ciels. Celui-là donc qui se fait petit comme cet enfant, celui-là est le plus grand au royaume des ciels. »

[τις αρα μειζων εστιν εν τη βασιλεια των ουρανων

και προσκαλεσαμενος ο ιησους παιδιον εστησεν αυτο εν μεσω αυτων

και ειπεν αμην λεγω υμιν εαν μη στραφητε και γενησθε ως τα παιδια ου μη εισελθητε εις την βασιλειαν των ουρανων

οστις ουν ταπεινωσει εαυτον ως το παιδιον τουτο ουτος εστιν ο μειζων εν τη βασιλεια των ουρανων]

Évangile de Matthieu 18, 1-4

NB : Comme le rapport Sauvé vient juste d’être rendu public, il n’est pas inutile de rappeler aussi le verset 6, que bien des catholiques semblent avoir oublié :

« Mais qui fait trébucher un de ces petits qui adhèrent à moi,
il aurait intérêt à ce qu’une meule d’âne soit pendue à son cou
et qu’il coule dans le gouffre de la mer. »

[ος δ αν σκανδαλιση ενα των μικρων τουτων των πιστευοντων εις εμε συμφερει αυτω ινα κρεμασθη μυλος ονικος εις τον τραχηλον αυτου και καταποντισθη εν τω πελαγει της θαλασσης]

4 – « Écrivain de l’Âme » … C’est bien entendu « écrivain de l’esprit » qui convient. Même si Christian Bobin, à la différence de Michel Fromaget, fait rarement l’effort de distinguer nettement âme et esprit, c’est pourtant bien cette dimension de l’Esprit qui permet à « ses livres d’ouvrir sur une intériorité apaisée, comme après une tempête ». L’Esprit a d’ailleurs parfois été comparée à l’œil à l’intérieur des cyclones.

5 – « Apprendre à faire un pas en arrière », c’est peut-être juste rajouter ce geste intérieur de l’index qui pointe vers soi, vers le Soi, vers la Source :

Et peut-être plus que « pur regard », devenir espace d’accueil illimité & inconditionnel, retrouver – de plus en plus continûment – notre vrai « visage », ce que nous sommes, tous …

6 – Quels livres peuvent apporter la paix ? Sans doute pas les plus gros tirages ni même ceux qui remportent des prix … Comment un livre peut-il apporter la paix ? Peut-être en renvoyant son lecteur des lettres noires sur fond blanc là-bas en périphérie à l’espace central transparent qui les accueille. En l’invitant à passer de la zone périphérique « je suis humain » du dessin de la note n° 0 ci-dessus au « Je Suis » central, dont un des possibles noms est « paix ».

« Je vous laisse la paix et vous donne la paix, la mienne.
Je ne vous donne pas comme l’univers donne.
Que votre cœur cesse de se troubler et d’avoir peur ! »

[ειρηνην αφιημι υμιν ειρηνην την εμην διδωμι υμιν ου καθως ο κοσμος διδωσιν εγω διδωμι υμιν μη ταρασσεσθω υμων η καρδια μηδε δειλιατω]

Évangile de Jean 14, 27

Oui, il existe une façon de lire en prêtant la plus grande attention à l’asymétrie qui permet de passer de l’image périphérique, « tellement mouvante », à la « ressemblance », absolu central de stabilité et de paix …

Considérable proposition : n’en croyez pas un traître mot, essayez, vérifiez !

 

Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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