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« Pensouillard le hamster » – Serge Marquis

La revue « La Décroissance – Le journal de la joie de vivre »  proposait dans son n° 104 de novembre 2013 une intéressante interview du Docteur Serge Marquis :

« La croissance : c’est l’ego ».

Ce canadien, spécialiste du stress en général et de l’épuisement professionnel en particulier, vient de faire paraître « Pensouillard le hamster – Petit traité de décroissance personnelle ».

 Pensouillard

Ses propositions pour remédier à la souffrance au travail et à la souffrance en général s’avèrent particulièrement claires et directes.

« La seule façon de calmer cette souffrance est en effet d’aller vers l’envers de ce dont on fait la promotion dans cette société, la croissance personnelle, et d’aller plutôt vers la décroissance personnelle, c’est-à-dire de calmer cette dynamique égoïste*, de l’apaiser pour rentrer dans ce que j’appelle un autre espace mental. C’est celui de la présence, de l’interconnexion, de l’interdépendance, etc. »

Pour la Vision du Soi selon Douglas Harding, « aller vers l’envers » c’est aller prioritairement vers l’intérieur. Pour découvrir un autre espace, l‘Espace d’accueil inconditionnel et illimité qui est notre Vraie Nature, et qui n’est aucunement un espace « mental ». Le « mental » reste situé en périphérie alors que nous avons désespérément besoin de retourner & demeurer au Centre.

« Bien d’autres personnes avaient parlé de cela avant moi, mais dans un monde comme le nôtre on ne s’intéresse que très peu à la décroissance, on s’intéresse beaucoup plus à la croissance [c-a-d. au développement] personnelle. Il y a des quantités phénoménales d’ouvrages là-dessus. A mon humble avis, ils conduisent à renforcer l’ego, le petit moi, plutôt que de laisser de la place à cette capacité que nous avons d’être présents et d’être inter-reliés. Dans l’encouragement de la croissance on va renforcer l’ego, renforcer le moi. Résultat : nous n’allons faire route que vers davantage de souffrances. »

Effectivement ce discours d’inspiration bouddhiste correspond également à la plupart des enseignements de la « Philosophie Éternelle ». En dépit des apparences, le succès du développement personnel, du développement de la « chair » – du corps et de l’âme selon Michel Fromaget – s’inscrit dans le droit fil de la logique de croissance matérielle. Quand on lui demandait ce qu’il en pensait, Douglas répondait : « My job is quite the opposite. »

« Pensouillard est une métaphore de l’ego, un petit hamster qui court dans la tête. … cette course dans le vide, inutile … est non seulement individuelle mais aussi collective. … Cette dynamique se traduit par la volonté de vouloir toujours plus. La cause est la peur de l’ego de mourir. L’ego cherche la croissance tout le temps. …

L’ego veut toujours avoir plus ayant l’illusion que s’il a plus de pelures identitaires, il en aura suffisamment pour éviter la mort.« 

Cf. à ce sujet les belles pages de Michel Fromaget dans le quatrième chapitre de « Corps Âme Esprit », notamment la deuxième partie : « La metanoïa comme passage de la mort à la vie ». Cf aussi du même auteur : « Naître et mourir – Anthropologie spirituelle et accompagnement des mourants » aux éditions François-Xavier De Guibert.

Belle image que ce hamster faisant tourner sa petite roue dans notre tête ! Mais allons-nous parvenir à le convaincre de ralentir, de se calmer, de s’arrêter, … N’est-il pas plus efficace d’opter pour la solution radicale de la Vision du Soi : simplement Voir qu’Ici au Centre il n’y a pas de tête, pas d’emplacement pour la cage et son hamster !

« Il y a un trouble d’attention qui est sociétal. L’attention est tellement mobilisée par le petit moi qu’elle n’est plus disponible pour l’Autre, pour le bien commun. Il y a un trouble d’attention à l’autre et à ce qui se passe à l’intérieur de soi. »

S’agit-il d’une erreur typographique d’une revue guère portée sur des subtilités de ce genre ? Toujours est-il qu’il est bien question ici de l’Autre et de l’autre … Grâce à Douglas j’ai clairement vu qu’il est impossible de porter une réelle attention bienveillante à l’autre sans d’abord être pleinement conscient de cet Autre à l’intérieur de soi, quel que soit le nom qu’on lui donne. Mais, comme d’habitude, n’en croyez pas un mot, essayez, vérifiez !

Question : vous nous dites que la décroissance commence par vingt minutes de méditation par jour. Pourquoi perdre ainsi son temps alors qu’il y a urgence à sauver la planète ?

Serge Marquis : C’est justement parce qu’il y a urgence à sauver la planète qu’il est nécessaire de faire ce que vous appelez perdre son temps. … Les vingt minutes de méditation, c’est strictement un exercice qui permet de conduire à éviter le piège de l’ego, piège à la base de ce qui peut détruire la planète. … La survie de la planète dépend de cette capacité d’être conscient face à l’activité égoïste* qui ne demande qu’à l’exploiter davantage pour cultiver son illusion d’immortalité. »

J’ai parlé de ma propre expérience de la méditation ici. Et si je suis entièrement d’accord avec la proposition ci-dessus, je pense nécessaire, et de méditer « classiquement » chaque jour une demi-heure, et de méditer en permanence, « d’être présent à ce qui est » (Svami Prajnanpad) tout au long de chaque journée. La Vision du Soi constitue une aide magistrale pour cette méditation de la place du marché. Mais, comme d’habitude …

« Si l’ego se sent menacé, la tête va être occupée par cela. La résurrection c’est effectivement la résurrection après la mort de l’ego, pour que la vie puisse s’exprimer dans son essence la plus profonde. »

Comment l’ego ne se sentirait-il pas menacé lorsque l’on évoque sa mort ?  Le hamster doit pédaler frénétiquement dans sa cage ! Encore une fois la voie de la Vision du Soi me paraît plus efficace en ne « combattant » pas l’ego mais en l’amenant à voir quelle est sa juste place, là-bas en périphérie. Le petit, la troisième personne, a un rôle essentiel à tenir dans la hiérarchie de la vie ; le malmener s’avère totalement contre-productif.

* : Serge Marquis utilise l’adjectif « égoïque », qui n’existe pas de ce coté-ci de l’Atlantique et qui ne sonne pas très bien. Je l’ai donc remplacé par « égoïste ».

 

Cordialement

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Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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