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L’énergie nucléaire : salut ou damnation ? – E.F. Schumacher

Le reportage diffusé par Arte le 5 décembre 2017 :

« Sécurité nucléaire : le grand mensonge » (0)

… me conduit à proposer de larges extraits du chapitre 9, « L’énergie nucléaire : salut ou damnation ? »¹, du maître livre d’E.F. Schumacher² :

« Small is beautiful – Une société à la mesure de l’homme »³

Les citations ci-dessous proviennent d’une conférence (4) prononcée en octobre 1967 devant la National Society for Clean Air :

« De tous les changements que l’homme a introduit dans la nature, la fission nucléaire à grande échelle est sans nul doute le plus dangereux et le plus profond. En conséquence, la radiation ionisante est devenue le plus sérieux agent de pollution de l’environnement, et la plus grande menace pesant sur la survie de l’homme sur terre. […] On ne pourrait trouver , en vérité, d’exemple plus clair de la dictature absolue de l’économie (5). […] On atteint aussi une nouvelle “dimension” du fait que, alors que l’homme peut maintenant créer – et crée effectivement – des éléments radioactifs, il n’a nullement le pouvoir de réduire leur radioactivité une fois qu’il les a créés. Aucune réaction chimique, aucune interférence physique n’a quelque effet : seul le temps qui passe peut atténuer l’intensité d’une radiation une fois celle-ci déclenchée. […] On ne peut rien y faire, sinon essayer de mettre en lieu sûr la substance radioactive.

Mais qu’est-ce qu’un lieu sûr, dirons-nous, pour les énormes quantités de déchets radioactifs rejetés par les réacteurs nucléaires ? On n’en connaît pas sur terre.

Les déchets les plus importants sont, bien sûr, les réacteurs nucléaires eux-mêmes, une fois hors d’usage. On discute beaucoup d’une question économique sans importance, pour savoir si ces réacteurs dureront vingt, vingt-cinq ou trente ans. Personne ne discute cet autre point d’une importance vitale, humainement parlant, à savoir qu’ils ne peuvent être ni démantelés, ni déplacés, mais qu’on doit les laisser où ils sont, probablement pendant des siècles, peut-être pour des millénaires, véritable menace pour toute forme de vie, laissant filtrer en silence leur radioactivité dans l’air, l’eau et le sol.

Nous devons cependant veiller à ne pas nous égarer dans le labyrinthe des polémiques qui se sont engages dans ce domaine [définition des doses maximales admissibles]. Le fait est que “l’utilisation de l’énergie atomique à des fins pacifiques” est déjà la cause de très sérieux risques, qui touchent non seulement les personnes en vie aujourd’hui, mais toutes les générations futures, bien que, jusqu’à présent, l’énergie nucléaire ne soit utilisée qu’à une échelle statistiquement insignifiante.

La pollution radioactive est un fléau d’une “dimension” incomparable à tout ce que l’humanité a pu connaître auparavant.

L’important, avons-nous dit, est la direction de la recherche. Il importe que celle-ci soit dirigée vers la non-violence (6) plutôt que vers la violence ; vers une coopération harmonieuse avec la nature ; vers les solutions silencieuses, faibles consommatrices d’énergie, élégantes et économiques, généralement adoptées dans la nature, plutôt que vers des solutions bruyantes, grandes consommatrices d’énergie, brutales, ruineuses et maladroites proposées par nos sciences contemporaines.

La poursuite du progrès scientifique dans le sens d’une violence toujours plus grande, culminant dans la fission nucléaire et s’acheminant vers la fusion nucléaire, est une perspective terrifiante, annonçant la fin de l’homme.

Ce chapitre 9 se clôt sur un paragraphe virulent, sans appel, que je vous conseille de diffuser aussi largement que possible :

« Aucun degré de prospérité ne saurait justifier que l’on accumule de grandes quantités de substances hautement toxiques, que personne ne sait rendre inoffensives, et qui font planer un danger inestimable sur la création toute entière, pour des temps historiques ou même géologiques.

Agir ainsi, c’est transgresser la vie elle-même, transgression infiniment plus sérieuse que n’importe quel crime jamais perpétré par l’homme.

L’idée qu’une civilisation puisse se maintenir sur la base d’une telle transgression est une monstruosité morale, spirituelle et métaphysique. Cela revient à conduire les affaires économiques de l’humanité comme si les hommes n’avaient aucune importance. »

Cordialement

 

0 – Présentation : « Alors que les accidents de Tchernobyl ou de Fukushima ont alerté sur la sûreté nucléaire, la sécurité des installations, classée secret défense, reste encore entourée d’un épais mystère. … Des États-Unis à l’Allemagne en passant par la France et la Belgique, cette enquête révèle les failles abyssales des systèmes de protection de sites nucléaires, conçus pour la plupart avant les attaques du 11-Septembre. »

Si le pire n’est pas toujours sûr, ce documentaire risque néanmoins de troubler quelque peu votre sérénité … illusoire. Vous êtes prévenus !

¹ – « … salut ou damnation ? » : termes judicieusement choisis pour une question qui, effectivement, est d’ordre métaphysique. Aucune forme de « salut » n’est peut-être désormais possible dans un monde déjà largement saturé de déchets nucléaires … et qui continue d’en produire.

² – Ce génial et inclassable penseur & acteur – au sens d’homme actif dans la société de son temps – anglais avait au moins cinquante ans d’avance dans à peu près tous les domaines … Tout comme son compatriote Douglas Harding. Cette tâche de « reconstruction métaphysique » qu’il classe comme « première des priorités », sachez que laVision du Soi nous fournit des outils exceptionnellement efficaces  pour la mener à bien. Mais, comme d’habitude, n’en croyez pas un traître mot, essayez, vérifiez … !

³ – Volte-espace en propose « Quelques extraits »… mais lisez tout ! Schumacher est une valeur sûre, un géant sur les épaules duquel très peu de nains politiques sont – pour l’instant – montés. Il commence à y avoir urgence …

4 – Conférence « prudemment applaudie », puis « férocement attaquée » comme représentant « le comble de l’irresponsabilité » !

Il en serait sans doute exactement de même aujourd’hui, avec comme principal argument que le dérèglement climatique en cours exclut de se passer du nucléaire … C’est aussi bien la position de scientifiques comme Jean-Marc Jancovici, que celle du gouvernement français. Édouard Philippe, qui a été cadre chez Areva, traîne une réputation de « chef de gouvernement pas très vert » … Sans catastrophe ou mobilisation citoyenne exceptionnelle, il y a peu de chance que la situation s’améliore.

Deux remarques :

  • la seule bonne direction est celle d’une décroissance considérable, résolue, équitable et planifiée de la consommation d’énergie électrique en particulier et de toutes les énergies fossiles. L’association Négawatt dispose d’un scénario au point ; pourquoi ne pas le mettre en œuvre sans tarder ? (Si d’aventure le mot « décroissance » vous écorche les oreilles, remplacez-le par « diminution » …)
  • le choix judicieux consistant à « Sortir du nucléaire » repose d’abord et essentiellement sur une toute autre conception anthropologique de l’homme. Si les hommes ne sont que des objets à enfourner dans la méga-machine économique, des producteurs & consommateurs engagés corps et âme dans une guerre économique sans merci, alors le nucléaire constitue une « solution ». Sinon … « si les hommes ont de l’importance », il faut changer radicalement de cap, et la Vision du Soi pourrait aider …

5 – Avant d’être « économique », le choix a surtout été politique. Américains et soviétiques étaient les deux « grands » d’après la seconde guerre mondiale, ceux qui « avaient la plus grosse … », que les premiers n’ont d’ailleurs pas hésité à « sortir » à Hiroshima et Nagasaki. La « banalité du mal » est bien présente aussi chez les militaires américains, et les (militaires) japonais ne sont pas tout à fait innocents non plus : certains rapports évoquent leur besoin d’un gros désastre afin de pouvoir capituler avec les « honneurs ». Bref, Prévert a bien raison :

« Si la guerre ne tuait que les professionnels, ce serait une bénédiction ! »

La France a rejoint le « club atomique » avec un premier essai en 1960 … le « Grand Charles » souhaitant en avoir « une aussi longue que les autres » et se refaire une « grandeur » après la déculottée de 1940 … Depuis la prolifération continue, et ce n’est pas près de s’arrêter.

Mais le nucléaire, aussi bien militaire que civil, n’a vraiment rien d’économique : c’est sans doute l’activité humaine la plus dispendieuse qui soit. Alors, quand est-ce qu’on arrête les âneries ? Quand est-ce que nous nous attelons pour de bon à une « transformation totale du sens de la grandeur » ?

6 – L’Inde, le pays de l’ahimsa –  la non-violence – est une puissance nucléaire depuis 1974 et officiellement depuis 1998 … Bien obligée, à cause de la Chine … Du coup le Pakistan a suivi … Si l’Iran obtient la bombe, l’Arabie Saoudite ira se fournir au Pakistan … Etc …

 

Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

2 réponses sur « L’énergie nucléaire : salut ou damnation ? – E.F. Schumacher »

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