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« La révolution d’un seul brin de paille » – Masanobu Fukuoka

Le titre de ce livre, paru en 1975 au Japon, m’est connu depuis fort longtemps, mais je n’avais pas encore eu l’occasion de le lire. Et de découvrir son remarquable auteur : Masanobu Fukuoka

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L’occasion m’a été offerte par Nathalie, la bibliothécaire de St-Michel de Maurienne, qui m’a proposé son exemplaire personnel de ce livre alors que je lui empruntai « Le sol, la terre et les champs » de Claude & Lydia Bourguignon. Il se passe vraiment des choses étonnantes en Maurienne … !

Un tel livre, un tel maître-livre ne se résume pas. Il vous faudra découvrir sa richesse par vous-même, que vous cultiviez ou non riz, orge, sarrasin, mandariniers … Comme vous ne disposez peut-être pas (comme les mauriennais !) d’une bibliothécaire de qualité à proximité, je me permets de citer ci-dessous quelques extraits du livre. Veuillez pardonner ce trop long article.

Sachez aussi que cet homme a eu une influence déterminante sur la permaculture (ou agriculture permanente) de Bill Mollison et David Holmgren, sans conteste un des outils qui permettra peut-être à l’aventure humaine de continuer … Brin de paille est d’ailleurs le nom de l’association française de permaculture.

Mais j’ai surtout été frappé par bien des similitudes entre « l’agriculture sauvage » de Masanobu Fukuoka et la « spiritualité sauvage » de mon ami Douglas Harding. Essayons de tenter quelques rapprochements.

Masanobu Fukuoka a vécu une expérience déterminante qui a orienté le reste de sa vie, tout comme Douglas avec sa Vision :

« Je pouvais voir que tous les concepts auxquels j’avais été attaché, l’idée de la vie elle-même, étaient des constructions vides. Mon esprit devint léger et clair. Je dansais, fou de joie. J’entendais les petits oiseaux gazouiller dans les arbres et je voyais les vagues étinceler au loin dans le soleil levant. Les feuilles dansaient, vertes et miroitantes. Je sentais que c’était vraiment le ciel sur la terre. Tout ce qui m’avait possédé, toutes les angoisses disparurent comme des rêves, des illusions, et quelque chose qu’on pourrait appeler la « vraie nature » se révéla. … Malgré le changement, je restais au fond un homme moyen et étourdi, et jusqu’à présent je n’ai pas changé. Vu de l’extérieur il n’y a pas d’homme plus banal que moi et il n’y a rien eu d’extraordinaire dans ma vie quotidienne. … Non, je n’ai rien d’extraordinaire, mais ce que j’ai entrevu est immensément important. »

(Pages 38 et 39 – Édition 2005)

A rebours de la pente naturelle de l’esprit humain, Masanobu Fukuoka se demande à propos de l’agriculture : « Et si on ne faisait pas ceci ? Et si on ne faisait pas cela ? » (Page 44), tout comme Douglas dans le domaine de la spiritualité. Leur objectif s’avère commun : revenir à l’essentiel, à la source de l’activité et même à la Source tout court, à une pratique simple, naturelle, intelligente, efficace, dépourvue d’effets secondaires négatifs.

A rebours de la pente contraire de la société, tous deux ont avancé tranquillement, avec une inébranlable détermination conjuguée avec une grande douceur :

« Parce que le monde marche dans la direction opposée avec une énergie si violente, il peut sembler que je suis rétrograde, mais je crois fermement que le chemin que j’ai suivi est le plus intelligent. »

(Page 48)

« L’agriculture sauvage est douce et facile et demande un retour à la source de l’agriculture. Un seul pas qui s’écarte de la source ne peut être qu’un pas qui s’égare. »

(Page 52)

Tous deux font preuve d’une confiance absolue en l’esprit d’enfance :

« Ceux qui voient la nature vraie sont des enfants. Ils voient sans penser, net et clair. Dès qu’ils connaissent ne serait-ce que le nom des plantes, un mandarinier de la famille des agrumes, un pin de la famille des pins, ils ne voient plus la nature sous sa vraie forme. Un objet vu isolément du tout n’est pas l’être véritable. »

(Page 53)

Tous deux proposent « une modeste solution à un problème difficile ». Masanobu Fukuoka évoque le problème de la pollution des aliments et de la terre générée par l’agriculture moderne, et il dit ceci :

« Un problème ne peut pas être résolu par des gens qui ne sont concernés que par l’une ou l’autre de ses parties. Dans la mesure ou chacun ne transforme pas radicalement sa conscience, la pollution ne cessera pas.« 

(Page 110)

Tous deux sont certains que le seul remède à la catastrophe programmée réside dans une prise de conscience radicale d’où émergeront des comportements justes :

« L’extravagance du désir est la cause fondamentale qui a conduit le monde à sa difficile situation actuelle. Rapidement plutôt que lentement, trop plutôt que pas assez – ce « progrès » tape-à-l’oeil est en rapport direct avec l’effondrement imminent de la société. Il n’a servi qu’à séparer l’homme de la nature . L’homme doit cesser de se permettre de désirer la possession matérielle et le gain personnel et à la place il doit se tourner vers la prise de conscience spirituelle.  … Je crois que si chacun sonde profondément ce qui l’entoure et le monde du quotidien dans lequel il vit, le plus noble des mondes lui sera révélé. »

(Page 136)

Tous deux distinguent ces deux directions de recherche caractéristiques de l’être humain, à 180° l’une de l’autre, et considèrent que celle qui est presque totalement négligée aujourd’hui doit prendre sans tarder la première place pour nous éviter le désastre :

« La raison de la confusion est qu’il y a deux chemins de la connaissance humaine – la discrimination et la non-discrimination. … Je repousse l’image vide de la nature comme image créée par l’intelligence humaine et la distingue clairement de la nature elle-même dont l’intelligence non-discriminante a l’expérience. Si nous déracinons la fausse conception de la nature, je crois que la base du désordre mondial disparaîtra. »

(Page 148)

Tous deux respectent les maîtres anciens et transmettent & prolongent leurs enseignements dans un langage moderne :

« Bouddha a dit :« la forme est vide et le vide est forme ». Puisque la forme, dans la terminologie bouddhiste indique la matière, ou les choses, et le vide l’esprit, il dit que matière et esprit sont la même chose. Les choses ont des couleurs, des formes et des parfums nombreux et divers, et l’esprit des gens passe de l’un à l’autre, attiré vers les qualités diverses des choses. Mais en réalité matière et esprit sont un. »

(Page 157) …

L’eau subit des changements sans nombre mais l’eau demeure eau. De la même manière, bien que l’âme consciente paraisse changer, l’âme immobile, originelle, ne change pas. »

(Page 158)

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Calligraphie du Sutra du Cœur

Masanobu Fukuoka exprime de manière simple et percutante un aspect majeur de la tragédie de notre temps :

« On considère généralement que la culture est quelque chose de créé, conservé et développé par les seuls efforts de l’humanité. Mais la culture naît toujours dans l’association de l’homme avec la nature. Quand l’union de la société humaine et de la nature se réalise, la culture prend forme d’elle-même. La culture a toujours été intimement liée à la vie quotidienne, et ainsi a-t-elle été transmise aux générations futures et conservée jusqu’à maintenant. Quelque chose qui est né de l’orgueil humain et de la quête du plaisir ne peut pas être considéré comme vraie culture. La vraie culture naît dans la nature, elle est simple, humble et pure. Si elle manque de vraie culture, l’humanité périra. »

(Page 160)

Et plus encore … :

« Les gens observent avec complaisance que le monde est un lieu où le « progrès » naît du désordre et de la confusion. Mais le développement destructeur et sans but invite la pensée à la confusion, n’invite à rien moins qu’à la dégénérescence et à l’écroulement de la société. Si on ne comprend pas clairement ce qu’est la source immobile de toute cette activité – ce qu’est la nature – il sera impossible de recouvrer la santé. »

(Page 170)

« Tout ce que chacun doit savoir de la nature est de réaliser qu’il ne connaît vraiment rien, qu’il est incapable de rien connaître. On peut alors s’attendre à ce qu’il perde son intérêt pour la connaissance discriminante. Quand il abandonne la connaissance discriminante, la connaissance non-discriminante d’elle-même lève en lui. S’il n’essaye pas de penser à la connaissance, s’il ne se soucie pas de comprendre, le temps viendra où il comprendra. Il n’y a pas d’autre voie que celle qui passe par la destruction de l’ego, se dépouiller de la pensée que les humains ont une existence à part des cieux et de la terre. »

(Page 176)

A la question de savoir qui choisir comme « premier ministre », comme dirigeant, voici ce que répond Masanobu Fukuoka :

« Personne ne vaut Daruma-san*. C’est un homme si détendu qu’il peut rester assis en méditation pendant des années sans dire un mot. Si vous le poussez il roule sur lui-même, mais, avec une non-résistance obstinée il s’assoit toujours de nouveau. Daruma-san ne reste pas seulement assis sans rien faire, mains et pieds croisés. Sachant qu’il faut les garder croisés, il foudroie silencieusement du regard les gens qui veulent agiter les leurs. »

(Page 179)

Daruma-San – qui n’est autre que Bohidharma (env. 470/543), le 28° patriarche indien et le 1° chinois de la lignée des maîtres zen – est présent sur une étagère de cette maison traditionnelle japonaise de la région de Nagano : Kiso, qui se trouve au Jardin d’Acclimatation à Paris. Cherchez bien !

« Vu simplement, ce monde est réel et à portée de main. Si on le regarde comme complexe, le monde devient abstrait à faire peur et lointain. »

(Page 187)

Tous deux pratiquent un humour pince-sans-rire d’une redoutable efficacité :

« Si la théorie d’Einstein avait clairement expliqué le phénomène de la relativité dans le monde et avait ainsi libéré l’humanité des limites de temps et d’espace, amenant un monde plus plaisant et plus paisible, elle eût été digne d’éloge. Son explication est toutefois déroutante et a poussé les gens à penser que le monde est complexe au-delà de toute compréhension. On aurait du au contraire lui dresser un procès-verbal pour “dérangement de la paix de l’esprit humain.” »

(Page 192)

Pour conclure ce billet … :

« La seule voie vers la paix est que tous les gens s’éloignent de la porte du château de la perception relative, descendent vers la prairie, et retournent au cœur de la non-active nature. »

(Page 198)

Oui, « avec ce simple brin de paille une révolution pourrait commencer », avec cette simple Vision du Soi une évolution radicale pourrait commencer. Elles commenceront, puisque nous ne sommes plus très loin du pied du mur … et qu’ensuite nécessité sera loi.

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N’hésitez pas une seconde à partager la jubilation de cet homme remarquable.

N’hésitez pas non plus à venir partager la jubilation d’un atelier de Vision du Soi. Je me permets même de vous conseiller de commencer par un atelier et de poursuivre par la lecture.

Cordialement

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Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

Une réponse sur « « La révolution d’un seul brin de paille » – Masanobu Fukuoka »

Bonjour,

Merci pour cette belle page.

J’ai découvert ce Monsieur pour la première fois sous la plume de Christophe Gatineau, l’auteur du livre « aux sources de l’agriculture, la permaculture », qui comme vous, donne envie d’en savoir plus et de lire les ouvrages de Fukuoka.

Merci

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