Impossible d’écrire quoi que ce soit à propos de « L’homme-joie », le dernier livre de Christian Bobin, sans relire auparavant « La plus que vive ».
Deux extraits de ce texte avaient été regroupés dans l’article consacré à Bobin dans la revue Vivre Sans Tête. Mais je souhaite aujourd’hui mettre en valeur le passage qui suit :
« … « L’ami retrouvé » de Fred Uhlman …
Ce livre ne parle pas seulement de l’Allemagne des années trente. Il montre le mal à son point de naissance. Le mal n’est jamais spectaculaire à ses débuts. Le mal commence toujours gentiment, modestement, on pourrait dire : humblement. Le mal s’insinue dans l’air du temps comme l’eau sous une porte. D’abord presque rien. Un peu d’humidité. Quand l’inondation survient, il est trop tard. Le mal a pour auxiliaires la tiédeur et le bon sens des braves gens. Le pire dans cette vie aura toujours été amené par ce qu’on appelle des braves gens. J’aurais aimé te montrer cette lettre de Dostoïevski que je viens de découvrir :
« Savez-vous qu’il y a énormément de gens qui sont malades de leur santé précisément, c’est-à-dire de leur certitude démesurée d’être des gens normaux ? » …
Le monde n’est si meurtrier que parce qu’il est aux mains de gens qui ont commencé par se tuer eux-mêmes, par étrangler en eux toute confiance instinctive, toute liberté donnée de soi à soi. Je suis toujours étonné de voir le peu de liberté que chacun s’autorise, cette manière de coller sa respiration à la vitre des conventions, et la buée que cela donne, l’empêchement de vivre, d’aimer. … »
Je suis intimement persuadé que l’intérêt d’un atelier de Vision du Soi selon Douglas Harding consiste à offrir, à qui veut bien s’en saisir, l’opportunité de retrouver cette liberté, cette confiance, cette vie, cette joie, … en dehors desquelles tout finit toujours par un désastre. Individuel d’abord, puis, de proche en proche, collectif. J’exagère … ? Regardez donc honnêtement autour de vous.
L’expérience de la carte, également appelée Le petit et le Grand, permet si facilement de voir à quel point cette soi-disant vie « normale », arrêtée au stade de petite troisième personne, est un enfermement et un enfer, un véritable suicide. Et de voir également qu’il est si facile d’en sortir pour retrouver consciemment la vastitude du Grand, de la Première Personne. J’exagère encore … ? La seule façon de le savoir est de participer à un atelier : le jeu en vaut vraiment la chandelle.
C’est une goutte d’eau sur le front de l’incendie, une stratégie de colibri, je sais, mais je n’ai pas trouvé mieux.
Cordialement