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La fraternité avant tout – Jean Daniel

Depuis quelques années un célèbre hebdomadaire m’offre deux mois de lecture gratuite en espérant que je finisse par m’abonner … Mais quand il y a autant de vrais bons livres à lire et à relire, comment trouver le temps de lire un hebdomadaire, ou pire, un journal ? Et quel intérêt de perdre ainsi son temps à surfer sur « l’écume des choses¹ » ?

Néanmoins, comme vous allez pouvoir le constater, je me laisse encore parfois tenter ! Faisons en sorte que ce soit au moins pour la « bonne cause », pour aider à se ré-orienter vers de vrais livres, des livres utiles.

Je ne vais pas reprendre ici par le menu l’éditorial de Jean Daniel dont le titre superbe : « La fraternité avant tout »², avait attiré et retenu mon attention, juste quelques éléments … contestables.

Il écrit notamment :

« … des textes sacrés [de l’islam] contenant, tout le monde en est d’accord, des incitations claires à la violence. C’est vrai pour tous les textes religieux, dans la mesure où l’essence de la religion est totalitaire. »

Mais où est-ce que Jean Daniel va chercher cela et comment peut-il l’affirmer de manière aussi péremptoire ? L’article ne contient aucun début de développement de cette « idée », c’est comme cela parce que c’est comme cela, point final. C’est pourtant un homme de culture censé avoir du recul, ainsi qu’un homme informé, conscient de la réalité de l’incompréhension croissante entre les « communautés » et celle des risques qu’elle fait courir à toutes³.

En tous les cas, ce n’est pas chez Marie Balmary, qui, avec sa finesse de femme, de psychanalyste, de lectrice libre de nos textes « anthropogènes », considère que la moindre apparition de cette « toute puissance » caractérise au contraire et très précisément la sortie du « religieux », ou en tous cas l’adhésion à ce qu’elle nomme « la religion du Serpent » (dans « La Divine Origine – Dieu n’a pas créé l’homme », Éditions Grasset, 1993), la soumission à « l’Ogre » (dans « Le moine et la psychanalyste », Éditions Albin Michel, 2005).

Dès que surgit la « toute puissance », la violence et la mort ne sont plus très loin, aux aguets. La relecture des textes que Marie Balmary propose de faire est une tentative pour nous apprendre à gérer cette tentation mortifère de la seule manière valable et durable, à savoir  :

« l’avènement du sujet en alliance avec d’autres »

« Abel ou la traversée de l’Éden », Éditions Grasset 1999.

Elle se concentre sur l’Ancien et le Nouveau Testament, mais le Coran bénéficierait sans nul doute de sa technique de lecture. Il suffirait de commencer …

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Un peu plus bas dans son éditorial, Jean Daniel écrit :

« C’est ainsi, je veux dire en réagissant d’une manière irresponsable au radicalisme d’une religion, que l’on passe par glissement de la xénophobie au racisme. La solution la plus évidente, la première à mettre en œuvre parce qu’elle dépend de chacun d’entre nous, c’est d’offrir toute notre sympathie et notre aide aux réformateurs et à leur volonté de se faire entendre. Je pense notamment à des gens comme Mohamed Talbi, Abdelmajid Charfi ou Abdennour Bidar. Là aussi, le sujet est délicat car il ne s’agit pas de transformer en traîtres ou en renégats les témoins qui auront le courage de se séparer de leurs traditions. Mais enfin, il faut que nous prenions tous, musulmans ou pas, le risque de la réforme en profondeur. »

Là encore, à quoi « pense » Jean Daniel en évoquant ces « témoins qui auront le courage de se séparer de leurs traditions » ? Pour avoir déjà un peu lu le dernier auteur cité (4), j’ai plutôt tendance à constater que, tout comme Marie Balmary, Abdennour Bidar rénove, redresse, ré-axe, revivifie … une tradition, l’islam, qui semble en avoir considérablement besoin en ces temps de désinformation galopante.

« L’islam n’est pas une religion politique au sens où sa vocation serait de fonder des états islamiques, où le droit positif devrait être fondé sur la sharî’a (loi religieuse). Tout cela n’est que fantasme et ignorance de la véritable souveraineté à laquelle le Coran convie l’être humain.

« L’islam sans soumission », Éditions Albin Michel, Espaces Libres n°237

Dans ce remarquable essai – dont la conclusion nécessiterait néanmoins d’être quelque peu questionnée et nuancée – Abdennour Bidar fait d’ailleurs appel à Marie Balmary, et notamment à son interprétation subtile et pénétrante de la « parabole des talents » (Matthieu 25, 14-30). Il se pourrait bien que là soit la clé, peut-être moins d’un « self-islam » (courant le risque d’être mal compris comme un islam « à la carte ») que du Self islam … la voie de la « soumission » à notre vraie nature, à cet espace d’accueil illimité et inconditionnel que Je Suis, que nous sommes tous. Et, bien sûr, également d’un christianisme vécu « en esprit et en vérité ».

CoranChouraquiIl fait également référence à la traduction du Coran par André Chouraqui :

« Au nom d’Allâh le Matriciant, le Matriciel. »

… pour en déduire de très intéressants développements :

« Voilà donc de quoi Dieu a nourri l’homme, la fonction qu’a remplie sa matrice : transmettre à l’homme l’extension complète de sa propre infinité. »

 

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André Chouraqui n’est plus que par ses remarquables ouvrages, mais pourquoi l’Obs n’ouvrirait-il pas largement ses colonnes à une rencontre entre Marie Balmary et Abdennour Bidar (5) ? Juste histoire de se faire pardonner cet éditorial bien confus, jusqu’à la dernière phrase sans doute censée faire lien avec la République :

« Il n’y a pas d’humanité sans religion ni patrie, mais si elles ne sont pas accompagnées de liberté, d’égalité et oui surtout, de fraternité, alors il n’y a plus d’avenir. »

Cette humanité qui est tout sauf « héréditaire » (6) n’a pas grand chose à voir avec ce que l’on entend généralement par « religion » ou « patrie ». Elle nécessite une action juste découlant d’une vision juste pour qu’advienne, enfin, « le sujet en alliance avec d’autres ».

Beaucoup de mots, peut-être trop … Si vous préférez un abord plus simple, et tout aussi efficace, de ces graves questions, n’hésitez pas à recourir à la Vision du Soi selon Douglas Harding !

 

Cordialement

 

¹ – « Les événements sont l’écume des choses », Paul Valéry, dans « Regards sur le monde actuel », 1931. Je précise, pour ceux qui ne le connaissent pas, que ce livre demeure « actuel » sur bon nombre de points … Vérifiez !

² – Le texte de l’éditorial, un peu différent de celui qui a été publié, sur le site de l’hebdomadaire.

³ – C’est aussi, et peut-être surtout, un homme de médias … Est-ce que les médias font ce qu’ils devraient faire, leur travail, en ce qui concerne le sujet qui m’intéresse ici ? Non. Très clairement non.

« Vous savez comme il est facile de ne jamais rencontrer la question de la religion quand on habite la capitale d’une démocratie laïque. On y trouve de vastes étendues de non-croyances, dont la plupart des journaux. Ils ne font que refléter l’état d’une population passée en trois générations de la croyance à l’incroyance, puis à l’inculture. Ce n’est plus vraiment, je crois, de l’athéisme – pour cela, il faudrait connaître au moins un peu ce que l’on refuse. »

« Le moine et la psychanalyste », Marie Balmary, Éditions Albin Michel 2005

C’est vrai qu’à cet égard il est peut-être préférable d’habiter en province … Les ravages du « buzz » sont quand même plus réduits !

4 – Et avoir consacré un article de ce site à sa  « Lettre ouverte au monde musulman ».

5 – Mais pas deux pages entre deux publicités ! Pour exposer une pensée élaborée dans un contexte d’immense confusion, il faut suffisamment de place, il ne faut pas craindre de « malmener » un peu le lecteur ! Si c’en est un, il comprendra.

En gros il vaudrait mieux un livre, un vrai !

6 – « L’accès à l’humanité n’est pas héréditaire. Seule l’aptitude à l’humanité l’est. »

« La divine origine, Dieu n’a pas créé l’homme » (Chapitre 5 – début du 2° paragraphe) – Éditions Grasset 1993 et Livre de Poche Biblio Essais.

Cette citation est très souvent reprise sous sa forme tronquée « L’humanité n’est pas héréditaire », qui ne rend pas justice à la précision d’expression de l’auteur.

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Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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