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Imaginez un instant … – Alain Hervé

« Imaginez un instant qu’un homme soit monté à la tribune de la COP 21, qui a réunit à Paris les 195 nations qui se partagent notre planète et ait annoncé :

Mes chers cent quatre-vingt-quinze amis,

 Je suis l’un d’entre vous, invité à participer à ce que j’appellerai  : la Conférence de la Dernière Chance¹. Je vais m’adresser à vous crûment. Nous sommes menacés de disparition² avec toutes les espèces vivantes qui nous entourent et dont nous faisons partie. Je vous demande mes chers amis de mobiliser toutes vos petites cellules grises pour écouter ce que je vais vous dire. Même si certains de vos neurones³ cultivent encore la nostalgie d’une histoire révolue.

Écoutez-moi. M’écoutez-vous ?

Nous avons mené nos sociétés au bord du désastre en croyant les faire bénéficier de ce que nous avons appelé le Progrès (4). Ce progrès consistait à aller le plus vite possible vers un but indéfini. Nous avons donné à ce mouvement accéléré le nom de Croissance (5). Nous devons arrêter immédiatement cette croissance économique vers l’inconnu. Ou disparaître.

Nous devons cesser d’exploiter tous les gisements de combustible fossile (6) déjà entamés. Ou disparaître.

Nous devons cesser d’émettre des gaz à effet de serre (7) dans la haute atmosphère. Ou disparaître.

Nous devons démonter nos villes géantes (8) dévoreuses de ressources et d’énergie, incapables de gérer leurs déchets. Ou disparaître.

Nous devons ne plus transporter inutilement, sur de grandes distances, des marchandises et des personnes (9). Ou disparaître.

Nous devons ne plus pratiquer une agriculture industrielle utilisant pétrole, engrais chimiques, pesticides et irrigation. Ou disparaître.

Nous devons ne plus attenter à la santé publique avec de massives pollutions chimiques, physiques, radioactives (10) dans l’air, l’eau et les terres. Ou disparaître.

Nous ne devons plus nourrir l’illusion d’une solution technique à nos problèmes (11). Ou disparaître.

Évitons par pitié les mesurettes diplomatiques, administratives, dilatoires, prises lors des précédentes Conférences Climat. Elles nous précipiteraient vers un “suicide collectif” selon la formule du prince Charles d’Angleterre (12).

Nous avons inventé un modèle de civilisation qui viole impunément les lois de la Nature (13). Croyant bénéficier d’une immunité particulière à notre espèce humaine. La nature nous rappelle brutalement à son ordre avec le réchauffement climatique en cours. Nous sommes une simple espèce vivante parmi d’autres, inscrite dans l’immense mécanisme de la biosphère. Souvenons-nous de la formule du philosophe anglais Francis Bacon qui déjà en 1620 nous avertissait dans son Novum Organum : “On ne triomphe de la nature qu’en lui obéissant.” (14)

Nous allons devoir repeupler nos campagnes pour y pratiquer une agriculture intensive respectueuse des cycles naturels (15). Des millions d’emplois seront nécessaires pour les réinventer socialement et culturellement. Vu notre nombre sur la planète, nous devons inaugurer un âge de la sobriété et du partage. (16) Il ne s’agit pas d’une utopie rustique mais d’une réinvention moderne, avec l’aide de nouvelles technologies, de ce que furent les sociétés agraires immémoriales. La technique n’est pas un mal en soi. Tout dépend de l’usage qu’on en fait.

Très, très peu d’entre nous, dans ce monde politique auquel nous appartenons, semblent comprendre ce qui se passe. Le peuple humain, lui, semble le comprendre mieux que nous. Nous sommes pour la plupart d’entre nous des criminels du climat. Un tribunal international du savoir vivre nous jugera un jour. Si nous survivons. Nous serons probablement acquittés pour déficience mentale (17).

A moins qu’aujourd’hui, mes cent quatre-vingt-quinze amis nous comprenions ce qui se passe et prenions immédiatement les mesures urgentes (18) qui s’imposent.

Nous avons la chance ici, maintenant, de donner le jour à une nouvelle civilisation humaine (19) respectueuse de toutes les autres formes de vie … »

Alain-HERVE
Alain Hervé

Alain Hervé

 

&

Ce superbe billet figure en dernière page du numéro 46 de la revue « L’Écologiste ».

Il aurait sans doute été mieux placé sur la première page, en guise d’éditorial … En effet celle-ci propose, comme de coutume et de raison, le texte du rédacteur en chef, Thierry Jaccaud : « L’Accord de Paris : miracle ou mirage ? »

La réponse à cette question est sans appel : cet accord, creux comme un radis de six mois mais magistralement mis en scène, « est un vœu pieux pour une hausse de 1,5° C et un accord réel sur une hausse de 3° C. Tout reste donc à faire. […] Quasiment aucune piste d’actions … […] Seul le mot “Océan” est apparu dans le préambule du texte final. […] Aucune dynamique en France du fait du choc des élections régionales … »

Il conclut : « Pourtant, les solutions existent et sont déjà mises en œuvre un peu partout. Ce qui manque, c’est une nouvelle vision du monde (20) qui leur donne toute leur place. »

 

Cordialement

 

¹ – Vous trouverez cette expression un peu grandiloquente, peut-être inutilement catastrophiste … Je crois au contraire qu’elle convient parfaitement dans le cadre d’une démarche de « catastrophisme éclairé » tel qu’étudié par Jean-Pierre Dupuis. La première opération pour éviter la catastrophe consiste à se la représenter aussi clairement que possible. Qu’est-ce qui va inéluctablement se passer si nous persistons à ne rien faire, si nous continuons à laisser le monde se défaire … ?

² – Eh oui ! Pas moins.

Et nous n’aurons pas l’excuse de en pas avoir été prévenus, depuis bon nombre d’années : après le rapports Meadows en 1972, le rapport Brundtland en 1987, le livre « Effondrement » de Jared Diamond en 2005, sans compter les nombreux travaux d’éminents spécialistes : Nicholas Georgescu-Roegen, Arnold Joseph Toynbee, Joseph Tainter, Paul R. et Anne Ehrlich, Naomi Oreskes et Erik M. Conway, … d’écrivains : Robert Hainard, Samivel, Barjavel, Pierre Thuillier, … (Ce qui précède n’est qu’une simple ébauche de liste.)

³ – « Neurones … » ? L’erreur majeure ne serait-elle pas de considérer que nous sommes uniquement confrontés à un problème de compréhension intellectuelle ? Une quantité quasi astronomique de faits – avérés, validés, consolidés, …- est disponible dans d’innombrables rapports à propos de cet immense danger que court l’humanité. Et … il ne se passe quasiment … rien ? Business et politique politicienne à la petite semaine … as usual.

Devenir réellement conscient de ce danger passe par « l’intelligence du cœur », et nécessite que chacun de nous soit totalement convaincu – à 100 % – « d’être l’univers entier » selon la formulation – beaucoup plus réaliste que poétique – des Upanishads. La solution à tous ces immenses problèmes passe d’abord par l’amour, auquel nous sommes absolument contraints si nous refusons l’option de « disparaître ». Ça me semble plutôt une bonne nouvelle, non … ?

4 – Les lecteurs de volte-espace – s’ils existent ! – connaissent déjà cette superbe formule d’Emil Cioran, dont la pertinence me semble se renforcer de jour en jour :

« Le progrès est un élan vers le pire. »

5 – « Croissance … » :

« Celui qui croit qu’une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. »

Kenneth E. Boulding

Utiliser ce mot de manière isolée et positive relève de la plus extrême ignorance, voire de la barbarie. Croissance de quoi ? Plus de métastases, plus de ventes d’armes, plus de pollution, plus de connerie audiovisuelle, plus de malbouffe, plus de PIB, … !

Dans le cadre de ce que je propose ici sur volte-espace, l’alternative se résume ainsi :

  • toujours plus d’ego (de moi, de « petit », de mental menteur, d’ignorance, d’avidya, …), c’est-à-dire « toujours plus de la même chose » pour continuer de « réussir à échouer » ?
  • ou plutôt la direction radicalement inverse, de 180° très précisément :
  • plus de Soi (de « Grand », d’Esprit, de connaissance de soi & du Soi, …) ?

Et la réponse que vous donneront les expériences de Vision du Soi selon Douglas Harding, si et seulement si vous les faites sincèrement, peut être résumée par cette parole de Jean le Baptiste :

« Il faut qu’il grandisse et que moi je diminue. »

Ἐκεῖνον δεῖ αὐξάνειν, ἐμὲ δὲ ἐλαττοῦσθαι.

Évangile de Jean 3, 30

Qu’est-ce que nous voulons exactement, plus que tout : un moi prospère, riche, beau intelligent et en bonne santé, et même féru de spiritualité(s) … ou permettre au Soi de se substituer à cet imposteur ? Une décroissance s’impose …

6 – « Deux chercheurs de l’Institute for Sustainable Resources de Londres, Christophe McGlade et Paul Ekins, ont estimé la quantité de ces combustibles fossiles que nous devrions laisser sous terre, pour limiter le réchauffement à 2°C à la fin du siècle. Ils présentent ce travail dans leur article « The geographical distribution of fossil fuels unused when limiting global warming to 2 °C » (« La répartition géographique des combustibles fossiles inutilisés, quand le réchauffement climatique est limité à 2°C »), publié le 8 janvier 2015 dans la revue « Nature ».

Et leurs résultats sont édifiants : un tiers de nos réserves de pétrole, la moitié de nos réserves de gaz et plus de 80 % de nos réserves de charbon devront rester inutilisés pour rester dans cette limite des 2°C. »

Source : « Reporterre, le quotidien de l’écologie »

7 – Cf. un article, déjà ancien – comme le problème ! – mais toujours utile de Jean-Marc Jancovici : « Quels sont les gaz à effet de serre ? »

Cet auteur, parfois contesté pour ses positions concernant le nucléaire, a publié :  « L’Avenir Climatique », dont le sous-titre ; « Quel temps ferons nous ? » annonce à la fois la couleur et notre responsabilité écrasante … Il est clair que pour l’instant nous ne sommes pas du tout à la hauteur de cette responsabilité.

8 – Alors que la concentration de la population dans des villes « vertes » continue globalement de nous être présentée comme une solution par bon nombre d’experts …

Ils devraient peut-être reprendre les choses à la base et relire  « Le jardin de Babylone » de Bernard Charbonneau et « Sans feu, ni lieu » de Jacques Ellul … ? Si la ville apporte quelques facilités aux humains, elle relève globalement d’un principe « babélien » d’illusoire émancipation par rapport à la nature. C’est dire si la fragilité de toute grande métropole est extrême, en dépit de son apparente puissance.

Cf. aussi : La Grande Mue et l’Association Internationale Jacques Ellul

9 – Notre conception du « droit » à la mobilité « des personnes et des marchandises » est absolument insensée et finalement si peu utile.

Fermement convaincu de la validité de cette citation d’Aldous Huxley dans « Tour Du Monde D’un Sceptique » (Petite Bibliothèque Payot) :

« Voyager, c’est vérifier que tout le monde se trompe. »

… le projet volte-espace ne propose qu’un seul « voyage », tout à fait physique et réel, d’à peu près la longueur de votre bras, depuis là-bas en périphérie jusqu’Ici au Centre, dans cet Espace d’accueil illimité et inconditionnel que nous sommes tous en réalité. Alors … take the shortest way home !

Tous les autres voyages, en plus d’être inutiles, sont nuisibles à notre précieux écosystème commun. Les personnes qui continuent à voyager inconsidérément de nos jours sont des inconscients, des irresponsables, presque des criminels. (Je sais, je vais encore me faire quelques amis … !)

10 – 11 mars 2016 : 5° anniversaire de la catastrophe de Fukushima … Rien n’est résolu, les radiations liquident les « robots » liquidateurs. La folie nucléaire, peut-être nécessaire le temps d’une réelle transition énergétique, je ne sais pas …, continue de plus belle …

11 – Là encore il est nécessaire de relire Ellul et Charbonneau évoqués plus haut … Et ne pas abdiquer notre responsabilité devant des techno-marchands qui continueront d’aggraver une situation déjà suffisamment critique et de nous faire perdre un temps précieux.

La solution existe : c’est une conversion intérieure radicale d’où procédera naturellement un changement non moins radical de nos modes de vie. Un peu à l’image de « Relancer l’économie » … ! La Vision du Soi pourrait utilement y contribuer.

12 – « Humanity and the Earth will soon begin to suffer some very grim consequences. […] We cannot go on thinking that the Earth with somehow just cope and go on being so abundantly generous with her resources. […] We are pushing nature beyond her limits; we are breaching one planetary boundary after another. […] If we go on as we are the impact of these scarcities and declines on human societies worldwide will be of such a scale I can hardly bring myself to imagine it. […] It’s therefore an act of suicide on a grand scale to ride so roughshod over those checks and balances and flout nature’s necessary limits as blatantly as we do. […] The longer we go on ignoring what is already happening and denying what will happen in the future, the more profoundly we condemn our grandchildren and their children to an unbearably toxic and unstable existence. […] We simply have to turn the tide. »

He added humans were still a “long way” from understanding that “we are, in fact, nature”.

Voilà la seule clé : “we are, in fact, nature” … « le sage a pour corps l’univers entier ». Nous sommes condamnés à tous retrouver notre vraie nature de « sage » ou condamnés tout court.

13 – Cette phrase me semble incorrectement construite : nous sommes effectivement dans une « civilisation » qui a érigé le viol de la nature en principe de fonctionnement, économique notamment. Mais l’impunité relève de la croyance : nous payons déjà et paierons encore longtemps, cash, toutes les atteintes à la nature. Cf. aussi note 19.

14 – En 1620 l’emploi du verbe « triompher » était encore concevable, mais aujourd’hui il serait préférable d’évoquer la possibilité, de plus en plus fragile, de survivre dans un environnement à peu près préservé.

15 – Cette « agriculture intensive respectueuse des cycles naturels » n’est peut-être pas si connue que cela, surtout du coté du Ministère de l’Agriculture, de la FNSEA et du Crédit Agricole … Allez plutôt voir du coté de la micro-agriculture biointensive, de l’agro-écologie, de la permaculture, de John Jeavons, etc …

Et, si vous le pouvez, démarrez un jardin !

16 – « Sobriété et partage » … Comme nous en sommes loin, moi le premier assis devant mon PC … Comment revenir dans cette direction obligée – délibérément, intelligemment, précautionneusement – sans que s’enclenche à la place un chaos dévastateur ? Je suis pour ma part persuadé que les « hommes – Moi » en sont incapables, et que seuls des êtres ayant véritablement cédé la place au Soi seront susceptibles de nous sortir de l’impasse actuelle. Ils semblent encore peu nombreux … La Vision du Soi pourrait utilement contribuer à en augmenter le nombre.

(Je sais, c’est une position particulièrement utopique. Mais l’autre option ne me plaît guère : aiguiser les baïonnettes et chacun pour soi.)

17 – Belle note d’espoir en les capacités de compréhension et de compassion de l’être humain. Si la situation climatique empire comme prévu, et aggrave quasiment tous les autres problèmes, il est fort probable que les victimes chercheront des boucs émissaires à sacrifier, violemment, comme d’habitude … René Girard n’est plus là pour nous rappeler la force de la violence mimétique, mais ses livres restent disponibles.

18 – Si c’est urgent, il est indispensable de commencer … immédiatement, et de ne pas poursuivre ni tolérer les médiocres manœuvres politiciennes habituelles et, bien sûr, le business as usual …

Rien ne m’empêche de faire ma part, ici et maintenant, dans tous les registres de consommation évoqués ci-dessus par Alain Hervé. N’oublions pas cette parole de sagesse de … Coluche :

« Si personne n’achetait, ça ne se vendrait même pas ! »

19 – Lors d’un voyage au Royaume-Uni, le Mahatma Gandhi avait répondu à un journaliste qui lui demandait ce qu’il pensait de la civilisation occidentale :

« Ce serait bien. »

20 – La Vision du Soi selon Douglas Harding serait en mesure de contribuer activement à cette « nouvelle vision du monde » … notamment en offrant un fondement ontologique incontestable, simple, pratique, aisément partageable entre femmes et hommes de bonne volonté. Il suffirait d’avoir l’audace d’y recourir et de s’en servir.

 

En complément :

Le site officiel d’Alain Hervé

Le Sauvage

 

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Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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