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1 - Pratique de la Vision du Soi Fondamentaux Vision du Soi

Du bon usage des crises – Christiane Singer

« Du bon usage des crises. Ne soyons pas si mesquins, et disons du bon usages des crises, catastrophes, drames, naufrages divers. J’ai gagné la certitude, en cours de route, que les catastrophes sont là pour nous éviter le pire. Et le pire, comment pourrais-je exprimer ce qu’est le pire ? Le pire, c’est bel et bien d’avoir traversé la vie sans naufrages, d’être resté à la surface des choses, d’avoir dansé au bal des ombres, d’avoir pataugé dans ce marécage des on-dit, des apparences, de n’avoir jamais été précipité dans une autre dimension. Les crises, dans la société où nous vivons, sont vraiment ce qu’on a encore trouvé de mieux, à défaut de maître, quand on n’en a pas à portée de main, pour entrer dans l’autre dimension¹. Dans notre société, toute l’ambition, toute la concentration est de nous détourner, de détourner notre attention de tout ce qui est important. Un système de fils barbelés, d’interdits pour ne pas avoir accès à notre profondeur.

C’est une immense conspiration, la plus gigantesque conspiration contre l’âme, contre l’esprit². Dans une société où tout est barré, où les chemins ne sont pas indiqués pour entrer dans la profondeur, il n’y a que la crise pour pouvoir briser ces murs autour de nous. La crise, qui sert en quelque sorte de bélier pour enfoncer les portes de ces forteresses³ où nous nous tenons murés, avec tout l’arsenal de notre personnalité, tout ce que nous croyons être. … « 

Conférence prononcée le 15 juin 1991 à l’occasion du dixième anniversaire du Centre Dürckheim.

Christiane SingerCitAll

« Le chemin, le courage et l’ouverture de Christiane Singer sont admirables »

L’essentiel est dit, même si ce court & grand texte comporte bien d’autres éclairages :

  • concernant l’initiation : « … il n’y a pas un rite pourtant qui soit aussi cruel que l’absence de rite. Et la vie n’a pas d’autre choix que de nous précipiter ensuite dans une initiation, cette fois sauvage, qui est faite non plus dans l’encadrement de ceux qui nous aiment, ou qui nous guident, … mais dans la solitude d’un destin. »
  • concernant l’histoire de Job : « Et Job dit : « Mon Dieu je ne te connaissais que par ouï-dire, mais maintenant je t’ai vu ». Et Job est un autre homme. Et à partir de ce moment-là par une ironie divine, tout lui est rendu puisqu’il n’a plus besoin de rien. »
  • concernant son propre travail avec une collaboratrice de Graf Dürckheim, Hildegund Graubner : « … elle m’a dit : « Tu restes là, assise au milieu de ton désastre, là. » … cette leçon, non seulement d’accepter l’inacceptable, mais d’y entrer, d’y établir ses pénates, entrer dans le désastre, à l’intérieur, et y rester, y rester ! Non pas fuir, mais oser rester, à l’endroit où je suis interpellée, à cet endroit où tombent tous les masques, … Et je reste là et je regarde. »
  • concernant cette « troisième voie » alternative salutaire aux quasi réflexes « défoulement » et « refoulement », ce « troisième modèle qui nous vient d’Extrême-Orient et qu’incarnait Dürckheim : s’asseoir au milieu du désastre, et devenir témoin, réveiller en soi cet allié qui n’est autre que le noyau divin en nous. »
  • concernant ce lieu bien précis : « Il existe, paraît-il, dans un maelström, un point où rien ne bouge. Se tenir là ! Ou encore, pour prendre une autre image : dans la roue d’un chariot emballé, il y a un point du moyeu qui ne bouge pas. Ce point, trouver ce point. Et si un seul instant, j’ai trouvé ce point, ma vie bascule, parce que la perspective est subitement celle de Job, cette perspective agrandie, de la grande vie derrière la petite vie, l’écroulement des paravents, l’écroulement des représentations, un instant, voir cette perspective agrandie. »
  • etc …

De Christiane Singer vous pouvez tout lire … « Tout est bon chez elle y-a rien à jeter, sur l’île déserte il faut tout emporter. » !

 

Cordialement

 

¹ – Il existe, à coté du « maître » et de la « crise », une nouveauté (relative, puisqu’apparue au début des années soixante …) appelée Vision du Soi selon Douglas Harding.

Est-ce que cette « troisième voie » peut remplacer l’un, dispenser de l’autre ou compléter les deux … ? Vous seul êtes en mesure de le vivre et de le savoir véritablement d’expérience. Ayez l’audace de tenter cette initiation, ce condensé de « Meurs et deviens ! ». Ayez  l’audace de rejoindre simplement, concrètement, ce lieu central autour duquel virevolte le monde, ce « volvitur orbis » de la devise des Chartreux. Ayez l’audace de voir, simplement, concrètement, tomber tous les masques …

C’est clair, il faut un minimum de courage. Mais le jeu en vaut la chandelle !

² – Ce mot de « conspiration » renvoie bien sûr à Bernanos :

« On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. »

Mais pas contre l’âme, contre l’esprit. Pour voir clair dans la tripartition anthropologique  Corps & Âme – Esprit, fondamentale – et fondamentalement pratique et utile – pas d’autre solution que de se tourner vers les travaux de Michel Fromaget.

³ – Mon ami Alain Bayod aime à dire que le « moi », l’ego, le « petit », … est comparable à un « blockhaus à deux compartiments : vivres et munitions » ! Est-ce que vous avez vraiment envie de passer toute votre vie dans un blockhaus ? Convenez que cette « vie » là n’est pas digne de vous.

 

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Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

3 réponses sur « Du bon usage des crises – Christiane Singer »

Christiane Singer : voilà une auteure pour le moins au-dessus de tout soupçon, en apparences tout au moins, celles qu’elle a combattues dans ce concept un peu flou de « conspiration » à la connotation quelque peu complotiste. Une figure d’écrivaine, à la fois poétesse, prophétesse, aventurière et mystique…, qui revient dans les pages de votre site. De par son prénom, féminisé, qui fait signe vers le Christianisme auquel elle s’est convertie (et qu’elle partage avec cet autre chrétien borderline, au prénom identique, qu’est Christian Bobin), Christiane Singer apparaît comme une comète dans le Ciel de la spiritualité contemporaine. Insituable, inclassable, quoique reconnaissable à ses allures de séductrice et à ses poses médiatiques, C. Singer a su largement user de son charme et même en abuser. Elle est ainsi devenue l’égérie de la secte d’ « À Ciel ouvert », création d’un autre personnage très ambigu, Alain Chevillat, avec nous avons eu maille à partir. C’est peu de dire que cette femme, dans ses apparitions médiatiques comme dans ses ouvrages où elle se livre avec un rare manque de pudeur, a toujours suscité en moi un profond malaise, à l’instar d’autres personnes de ce type d’ailleurs. Est-ce son usage abusif de l’affectif et du sentimental, avec ce règne des émotions dans lequel elle savait tout noyer ? Ou sa sincérité et son « authenticité », ces signes visibles du narcissisme actuel, avec lesquelles elle s’exprime toujours et qui sont devenues des moyens de persuasion particulièrement efficaces ? Ou son style, encore, par lequel elle se livre sans réserves, comme si elle était à elle seule le cœur de l’Univers, ressemblant ainsi ou imitant sans doute d’autres modèles féminins, comme A. David-Neel, à la personnalité trouble et au parcours sinueux, « La Mère », compagne de Shri Aurobindo chez qui la mégalomanie religieuse l’a sans cesse disputé au sectarisme New Age le plus délirant et le plus malsain, N. Genton-Sunier, autre disciple d’Aurobindo, quoique plus « sincère », ou d’autres égéries de la spiritualité contemporaine ? Toujours est-il que son message spirituel, sorte de parole évangélique contemporaine fortement teintée de poésie et de syncrétisme, revisitée par les modes actuelles, m’a toujours semblé frelaté et indigeste, c’est-à-dire peu crédible. Mais ce qui m’a semblé encore plus révélateur de l’ambiguïté de cette femme est son intervention dans le Centre zen de K. G. Dürckheim. C’est toujours un sujet d’étonnement de voir comment des personnes apparemment détachées, prétendument éveillées, ayant acquis un haut degré de spiritualité, peuvent se compromettre par certains de leurs engagements, comme si leur lucidité s’était soudain évanouie, et que seule demeuraient leur « sincérité » comme leur jouissance peu spirituelle de s’exposer médiatiquement pour pouvoir en tirer des bénéfices substantiels, notamment en termes d’image et de reconnaissance publique. Ch. Singer n’a pas échappé à cette pente insidieuse contre laquelle toute sa spiritualité n’a pu l’immuniser, ni même l’avertir. Mais ce qui est troublant dans le cas de cette intervention ou de cette conférence, c’est l’ignorance de Ch. Singer concernant certains détails troublant de la biographie du fondateur de cette secte. Car, K. G. Dürckheim, connu surtout pour avoir introduit une forme de méditation zen en Europe, ne fut pas seulement le maître spirituel qu’il a voulu être lui-même, se conférant ainsi à lui-même et sans aucune autre autorité des lettres de noblesse mystique. Mais il fut un militant gravement compromis dans des activités politiques pour le moins troubles, avant la seconde guerre mondiale, étant allé jusqu’à s’engager dans les rangs de la S.A., et ce, jusqu’à son départ pour le Japon où il fut missionné par les dirigeants du Troisième Reich. Toutefois, ce qui est proprement scandaleux dans son cas, ce ne sont pas seulement les non-dits sur son passé, son absence d’explication ou de justification, ni son absence de repentir, ou encore son silence après ces événements, aussi assourdissant et ambigu que ses pratiques zen où l’instant présent comme le silence ont été exaltés au détriment de la mémoire et de la parole. Non, car ce qui est encore plus scandaleux et plus incompréhensible, c’est de constater son engagement au regard de ses propres origines familiales. En effet, comme Ch. Singer, K. G. Dürckheim partageait des origines juives qu’il a reniées par ses engagements politiques, puis enterrées par ses pratiques spirituelles. Double faute, à peine pardonnable ! À l’instar d’un autre allemand, H. Harrer, au passé tout aussi trouble, qui a su lui aussi tirer profit de son séjour en Inde, puis au Tibet, après avoir rédigé un livre où il raconte ses aventures en travestissant son passé et en banalisant son engagement nazi, K. G. Dürckheim aura su profiter de son séjour au Japon pour rapporter en Europe des pratiques méditatives zen apprises auprès de maîtres politiquement à peine moins compromis que lui, notamment avec le Japon impérial et fasciste de l’époque. Comment une spiritualité dont l’essence de l’enseignement est le « cœur » ou le « hara » pourrait-elle se transmettre sans heurts ni difficultés, alors qu’elle se trouve à ce point corrompue ou contaminée par les errances idéologiques de son propre fondateur ? Qu’une personne, à la renommée pourtant aussi pure et intacte, comme Ch. Singer ait pu s’allier avec ce « Centre », et même suivre les enseignements du guru par des disciples interposés, sans rien percevoir de ce passé malsain qui ne peut que rejaillir sur l’enseignement propagé et sur ceux qui s’en inspirent, révèle bien l’aveuglement, coupable à mon sens, de cette femme que l’on disait pourtant « lucide », comme les limites indéniables et fort problématiques de sa propre spiritualité noyée dans l’affect, et de surcroît à tendance syncrétiste et universaliste .
Bruno

Bonjour Bruno,

Là encore, impossible de répondre à tout. Mais comme vous semblez heureux de vous anti-poser à tout et à tous ! Si vous n’aimez pas qui que ce soit, ne perdez donc pas du temps à lire ses écrits et à les commenter. Quel intérêt trouvez-vous dans ce jeu de massacre où vous semblez vous complaire ?

Je connais bien les écrits de Christiane Singer, et ce que vous dites d’elle ne correspond pas du tout à la réalité qui était la sienne. Si elle a été bien présente dans les revues, forums et stages de Terre du Ciel, il me semble que son authenticité et son exigence devaient mettre assez mal à l’aise le « patron ». Difficile de faire du « business as usual » avec des personnes trop entières.

Quel intérêt à qualifier K. G. Dürckheim de nazi et de chef de secte ? Ce genre de dérapage disqualifie aussitôt votre parole. Je connais aussi très bien son œuvre, ainsi que la biographie sans concession de Gerhard Wehr.

Quel intérêt à vouloir disqualifier le zen dans son ensemble, même si effectivement tous ses représentants n’ont pas été irréprochables lors des errements ultra nationalistes du Japon ?

Christiane Singer, K. G. Dürckheim, la pratique du zen, … sont des moyens de s’ouvrir à notre dimension d’éternité. Pourquoi vouloir les salir ? Ils ne vous conviennent pas ? Laissez-les donc tranquilles et trouvez vos propres moyens d’accès.

Cordialement

Jean Marc

Merci à vous pour ce beau témoignage, toujours empreint de quelques ambiguïtés inhérentes à la posture de l’auteure…
Bruno

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