« Prasad*, le 17 Octobre 1950
Le seul but de la vie humaine est d’aimer de manière si totale que l’on arrive à voir tous comme un.
Vous êtes né, nu et seul. Quand vous mourrez, vous partirez seul et nu. Tous les enfants des hommes naissent de la même manière. Rien ne les distingue à leur naissance. Ce n’est que dans la période intermédiaire que toutes les distinctions apparaissent : le sens de ce qui est « à moi », de ce qui m’est « étranger », les différences de caste, de fortune, de savoir etc … ainsi que le sens de ce qui est haut et bas, inférieur et supérieur, [touchable] et intouchable. Ce n’est que séparation, rien que séparation.
Tout enseignement [samskâra] qui ne réunit pas l’homme à l’homme mais qui, au contraire, essaye de garder les hommes séparés est faux ; un tel enseignement (samskâra) entraîne peu à peu vers les abîmes les plus dégradants, ne permet pas à l’homme de rester un homme et le rend inférieur même aux animaux. Tous les hommes sont pareils, les distinctions de castes, de samskâra, de fortune etc … ne sont pas discernables tant qu’on ne les proclame pas. Établir de telles distinctions est l’œuvre perverse d’un intellect (buddhi) trompeur.
Ébranlez et faites tomber tous les murs qui divisent. Serrer chacun contre son cœur comme s’il était un membre de sa propre famille, cela seul est digne d’un homme.
P. »
Le texte ci-dessus est une lettre en bengali adressée par Svâmi Prajnânpad à Abalakant. Elle figure dans le recueil intitulé « Les yeux ouverts », paru aux éditions L’Originel en 1989, dans une traduction de Colette et Daniel Roumanoff et avec une préface d’André Comte-Sponville.
Ce recueil nous propose trente huit lettres à Abalakant, entre le 16 Avril 1949 et le 21 Octobre 1963, et la plupart sont d’une grande profondeur. Ainsi celle du 8 Avril 1954 :
« Il n’y a aucune division nulle part. Ce qui semble tel n’est qu’apparence : moi, toi, lui, cela, tous ceux-ci ne sont pas séparés, ni divisés en compartiments. Seulement « je suis », l’UN seulement EST : il n’y a pas de division, pas de multiplicité.
[…]
Ne vous divisez pas. Quand on se divise, on se tue et on tue. Cette division, cette tuerie, ce meurtre de soi-même, est à la source de la souffrance et de la peine, de la haine, de la tristesse et du dégoût. Ne pas tuer est présent en vous : Je suis ce que je suis, le tout indivisible, l’UN. Sânta, siva, prajnâna, [en paix, bienfaisant, Connaissance Suprême]. »
« Ébranler et faites tomber tous les murs qui divisent« : c’est exactement ce que propose la Vision du soi selon Douglas Harding, c’est ce que je propose dans divers ateliers.
N’en croyez pas un traître mot, venez vérifier …
Cordialement
* Prasad : nom de la maison où séjournait Svamiji pendant la saison des pluies