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« … avec parmi ses cimes enneigées le Kangchenjunga et l’Everest »

Les lecteurs familiers de l’œuvre de Douglas Harding auront reconnu dans le titre de cet article un extrait de « Vision », le premier chapitre de « Vivre Sans Tête ».

Douglas a par la suite regretté cette localisation géographique, et affirmé que la découverte de sa véritable Nature aurait tout aussi bien pu se produire dans l’exiguïté d’une « pissotière londonienne ». Il craignait, non sans raison, que moult chercheurs s’intéressent plus à l’exotisme himalayen qu’à la Vision, aux détails périphériques qu’à l’expérience centrale, aux « cendres » qu’à la « braise », au doigt qu’à la lune …

C’est déjà le cas dans tant de voies spirituelles, même extrêmement dépouillées ; cela permet de signifier ostensiblement que l’on cherche, de contribuer à faire tourner le spirit-business et … d’éviter soigneusement de trouver !

Cependant les noms des troisième (Kangchenjunga : 8586 m) et premier (Everest : 8848 m) plus hauts sommets du monde figurent bien dans le texte, et sont désormais associés à jamais à la Vision du Soi (Vision Sans Tête) selon Douglas Harding.

 

KangchenjungaFromDarjeeling

Panorama du massif du Kangchenjunga depuis Tiger Hill, Darjeeling

Il se trouve que j’ai pratiqué l’alpinisme, que je cours encore un peu la montagne en toutes saisons, que mes deux fils sont des grimpeurs plutôt bien affûtés, et que de nombreux livres de montagne ont été, sont et seront lus dans notre maison en Savoie. Cet été pluvieux a notamment donné l’occasion de relire « Les cinq trésors de la grande neige » – une des traductions du mot Kangchenjunga – de Pierre Béghin, ainsi que « Pierre Béghin – L’homme de tête »¹, la biographie écrite par François Carrel aux éditions Guérin.

Himalayiste exceptionnel, Pierre Béghin a été le premier à gravir le Kangchenjunga en solitaire et sans oxygène le 17 octobre 1983. « Son parcours d’exception dans ce qu’il appelait le pays de l’oxygène rare s’est terminé dramatiquement, le 11 octobre 1992, en face sud de l’Annapurna. »

PierreBeghin

Quelques extraits de cette biographie, et quelques commentaires en lien direct avec la Vision du Soi :

« Cet univers de l’altitude me rentre dans la peau sans que je parvienne à l’analyser, comme si inexorablement je me noyais dans son immensité. En même temps, il y a cette sensibilité presque exacerbée aux objets, aux formes, aux légers bruits tout proches. … J’avance dans l’oubli de moi-même à travers une réalité coupée de tout, une parenthèse de vie où se mêlent l’exaltation et la peur. … J’ai sous les yeux une autre dimension du monde, une dimension invisible ailleurs et qui ne se révélerait qu’au terme d’un long et dangereux parcours initiatique. »²

Est-ce que ces caractéristiques, si attirantes pour tout être humain « normalement » constitué, ne peuvent s’éprouver qu’au dessus de 8000 mètres du fait de « cette drogue dure qu’est l’hypoxie » ? Non, bien sûr que non. Toutes les voies spirituelles bien comprises visent ce mode de présence intense au monde, une nouvelle naissance conditionnée par le retour de l’ego à sa juste place, qui ne saurait être la première.

La Vision du Soi selon Douglas Harding vous facilitera ce parcours. Il n’est pas très long, un mètre environ de la périphérie au Centre, et s’il est sans doute exagéré de le qualifier de dangereux, sauf pour l’ego, il n’en reste pas moins assez exigeant. Mais n’en croyez pas un mot, venez vérifier dans un atelier.

« Je me souviens d’une fatigue extrême produisant une sorte d’ivresse dominant toute volonté de penser, de se mouvoir. Mais aussi le regard, ce regard où je disparais, où je deviens compagnon du monde, et non plus spectateur, ce sentiment rare que me donne l’altitude où je suis … »

« C’est un monde où il y a du sacré, une présence au monde particulière … un état de grâce, une sublimation de la fatigue, une transcendance, une ivresse. On avance vers quelque chose de différent, on est sur une autre scène. »³

Voilà une très belle et très précise expression de l’effet majeur de la Vision du Soi, ce regard unifiant le Contenant et les contenus. Là encore, est-ce que ce mode d’être au monde, si exceptionnellement satisfaisant, comblant au-delà de toute mesure, n’est accessible que suite à l’épuisement, l’hypoxie, le danger … ? Non, fort heureusement. La Vision du Soi aide à voir clairement, pour ne pas dire parfaitement, à quel point cet état est évident, naturel. Mais, encore une fois, n’en croyez pas un mot, venez vérifier dans un atelier.

Si la montagne constitue un univers remarquable à bien des égards, ne lui demandons pas ce qu’elle ne peut pas donner, mais seulement indiquer.

Henri Michaux a ainsi écrit dans « Les grandes épreuves de l’esprit et les innombrables petites », 1966 :

« Combien justifiée, je le voyais à présent, est la recherche des horizons immenses et, partant, des lieux dominants, le séjour dans l’Himalaya, ou dans d’autre montagnes, considéré comme aide précieux, unique, par des contemplatifs pourtant bien au-dessus, semble-t-il, des contingences. Ils connaissent la vertu du tremplin insigne. »

Ce qui importe vraiment c’est le saut, pas le tremplin. Prenons garde de ne pas faire de l’aide un obstacle …

 

Cordialement

 

¹ – L’auteur ne s’explique pas sur le choix de ce titre. Mais Pierre Béghin était à la fois celui qui grimpait en tête de cordée, celui qui « inventait » des itinéraires nouveaux et audacieux, celui qui menait à bien avec rigueur et obstination des projets d’expédition complexes, et qui était également ingénieur à l’institut de Grenoble du CEMAGREF.

Titre plutôt bien choisi donc, et qui vient confirmer, s’il en était encore besoin, qu’il est très difficile en français de « vivre sans tête ».

Je profite de cette note pour indiquer que j’éprouve beaucoup de respect et d’admiration pour le parcours de Pierre Béghin, et qu’en même temps je ressens un réel malaise devant cette quête (apparemment) inassouvie. Ce que cherchais Pierre, ce que nous cherchons tous, ne se trouve pas là-bas en périphérie dans le toujours plus loin, plus haut, plus dur, plus complexe, … La Non-Chose qui est notre Vraie Nature se trouve – aux deux sens du terme – Ici au Centre, au plus près et au plus simple. Mais, une fois de plus, n’en croyez pas un mot, venez vérifier dans un atelier.

² – « Himalaya, voyage dans l’oxygène rare » de Pierre Béghin. Une longue citation de ce livre est placée en exergue de la biographie.

³ – Apparemment ces propos sont ceux de Xavier Fargeas, compagnon de cordée et d’expédition de Pierre Béghin, et également psychiatre.

 

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Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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